Il y a encore quelques années, les consultants intervenaient dans les entreprises en vantant les mérites de l’efficacité du Lean Management. Avec cette démarche, il suffisait de quelques jours pour rénover et optimiser chaque processus. Les exemples de réussite étaient visibles : division par deux de la durée du cycle, réduction des stocks ou des suspends de 30%, baisse de 50% de la non qualité. Et ça fonctionnait !

Des groupes de travail étaient mis en place pour utiliser la boîte à outils du Lean et le processus était entièrement épuré de tous les gaspillages. Le personnel était motivé pour faire fonctionner ces nouvelles méthodes de travail et les résultats étaient au rendez-vous.

 

L’expérience montre que cela ne dure pas.

Une étude québécoise du cabinet Proaction que nous avons repris en France montre qu’au fil du temps, la mise en œuvre du Lean Management finit par « patiner », ainsi qu’en témoignent les indicateurs suivants :

  • La productivité réelle stagne autour de 50% : La cause majeure est le manque de communication du standard et du suivi des objectifs, car dans 90% des cas l’objectif est mal voire pas du tout communiqué ;
  • L’analyse montre que dans 80% des cas le chef d’équipe ne fait pas de suivi de la nouvelle procédure et que les anciennes habitudes reviennent au galop 
  • Les Chefs d’équipe ne consacrent que 12% (soit 58 minutes) à faire de la supervision active (être proactif) alors qu’ils passent 40% à faire de la supervision réactive (jouer aux pompiers volants) ;
  • L’observation de leurs comportements révèle qu’ils ne font en moyenne qu’un retour et demi d’information par heure. C’est-à-dire que, pour une équipe de 15 personnes, le Chef d’équipe fait une remarque sur le travail d’un opérateur un jour sur deux alors que celui-ci accomplit dans le même temps des centaines de fois la procédure concernée. La rareté des marques d’appréciation et le manque de respect sont des causes de la faible productivité ;
  • Deux tiers des Chefs d’équipe ont une note faible voire très faible à un test de connaissance des bonnes pratiques managériales ;
  • De même l’analyse des investissements au sein des PME que nous avons accompagnées montre que la répartition effective des investissements réalisés varie à l’inverse du besoin de répartition. L’investissement dans l’outil est privilégié et l’investissement dans l’accompagnement des Chefs d’équipes est, la plupart du temps, négligé :

 

Répartition de l’effort d’investissement à effectuer

Répartition effective des Investissements réalisés

Retour sur Investissement (ROI en année)

10% Investissement en capital

60%

1/1

30% Kaizen, lean -6sigma, intervention d’experts

30%

1/3

60% Chef d’équipe, middle management

10%

1/6

 

 

Que faire face à ces constats ?

Il faut avant tout comprendre que la mise en œuvre du Lean requiert des actions sur le long terme et respecter deux règles d’or :

  1. Prendre le temps ;

  2. Dédier des ressources pérennes au Lean ;

 

Règle N°1 : Prendre le temps d’intégrer l’amélioration continue au quotidien de l’entreprise

Il faut comprendre et partager le fait que les mauvaises habitudes ne se jettent pas par la fenêtre mais qu’on leur fait descendre les marches une à une.

Il faut plus de 6 mois pour modifier durablement ses habitudes. Le vendredi, nous pouvons collectivement décider de nous mett à courir et effectivement le samedi matin la plus part d’entre nous nous irons trottiner. Nous reviendrons fatigués et content d’y être arrivé. Si personne n’organise, ni se soucie de maintenir notre engagement, alors, rapidement, seul quelques-uns continueront à courir.

Ce suivi quotidien, cette rigueur nécessaire dans le respect des standards et des actions d’améliorations sont assurés par toute la ligne managériale. En travaillant à résoudre les problèmes que rencontrent les gens sur le terrain avec les gens du terrain, nous nous abstenons d’avoir à gérer le changement. En effet, ce n’est pas un changement imposé, c’est un caillou dans la chaussure que nous nous sommes enlevés nous-mêmes. Il faut donc prendre le temps d’apprendre en faisant, en résolvant des problèmes, en agissant sur notre environnement direct.

Règle N°2 : Dédier des ressources pérennes au Lean afin d’initier la démarche et de l’ancrer dans le quotidien de l’entreprise

Le Lean est un outil dont la mise en place et le maintien demandent un pilote et une instance de pilotage. Dans la phase d’implémentation avoir recours aux ressources extérieures que constituent les consultants est une excellente solution. Encore faut-il s’assurer de leur volonté réelle de transmettre leur savoir et savoir-faire aux équipes opérationnelles et au pilote Lean. Pour cela ils doivent organiser l’agenda des Chefs d’équipe les accompagner dans leur quotidien, dans leur environnement de travail.

Tout ceci aura pour conséquence de transformer durablement les habitudes et d’augmenter les compétences des opérationnels. C’est cela  qui assure la pérennité des actions d’améliorations du Lean.

Cela implique parfois des choix difficiles car tous n’ont pas forcément les mêmes facilités, l’envie l’énergie de suivre ce chemin. Cette démarche met en exergue les dysfonctionnements et particulièrement les lacunes du personnel en situation de management qui n’a aucune aptitude ni potentiel de management. La direction joue ici un rôle important car elle devra s’attaquer à cette situation pour la rendre compatible avec son projet. C’est toute la ligne managériale qui doit modifier ses habitudes.

 

Vincent Lambert – LYN Consulting – Mai 2015